Aux USA, le chemin de fer n’est pas un bête moyen de transport. Il fait partie intégrante de la mythologie du Far west: Grimpez dans un wagon, vous embarquerez pour l’aventure… Bref, on a décidé d’aller à Big Bend. Ce Parc National Texan, le plus isolé des États Unis, est à 10 heures de voiture de Houston, sans le moindre aéroport à proximité. “Completely remote” comme on dit ici. Notre cœur de voyageurs a donc frétillé, voila l’occasion rêvée qu’on attendait, on va prendre le train. Ni une ni deux, quelques clics sur le site d’Amtrak (la SNCF locale), voilà réservée une merveilleuse “chambrette” dans le “Sunset Limited” qui relie la Louisiane à la Californie en traversant le Texas. Le jour J, on a garé la voiture en sécurité dans le parking du bureau, on s’est dirigés vers la station de taxis la plus proche et on a hélé celui de tête: “Bonjour Monsieur, vous pouvez nous conduire à la gare? La gare? La gare? Euh…La gare routière pour prendre le bus Greyhound ? Non, non, ferroviaire, on prend le train. Le train? (Œil rond, ton dubitatif du chauffeur) Oui. Vous ne savez pas où est la gare Amtrak? Vous n’êtes pas de Houston? Si, si, attendez, je vais me renseigner…” Le type commence à remonter la file de taxis en posant la question à trois de ses collègues, qu’on voit secouer négativement la tête. Le quatrième a l’air d’avoir la réponse, la gare, elle est derrière l’aquarium. Entre temps, on a demandé à Miss GPS qui semble d’accord. Le gars n’a pas l’air trop ravi de nous y conduire (ce n’est qu’à 1,6 kms) mais il accepte la course. On y va! Effectivement, juste derrière l’aquarium, voici la “Station” de Houston, ville de 6 millions d’habitants. Le parking désert donne sur un préfabriqué un peu délabré. Mais il y a bien des rails. Et un train à l’arrêt. On y est donc. On entre dans le bâtiment de la gare, digne de celui d’un patelin au fin fond des Vosges. À l’intérieur, on se prendrait presque pour le “Petit Prince” qui découvre une nouvelle planète: Celle où le gros contrôleur, avachi sur un banc de bois à ne rien faire, occupe l’espace à lui tout seul. Il ne lève même pas le nez à notre approche et il faut lui tendre fermement notre papier pour qu’il daigne le scanner. Et nous indiquer d’un geste vague qu’on doit ressortir et contourner le bâtiment pour accéder au train. On comprend donc que c’est bien le nôtre (arrivé de New Orleans) qui est à l’arrêt; il repartira dans plus d’une 1/2 heure, à 6.55 PM précisément. On ne risque pas de se tromper, il n’y a en a que 3 par jour à Houston. Hop, on monte dans la voiture 130, un agent nous accompagne pour prendre possession de notre “roomette”. On comprend immédiatement pourquoi (cf la corpulence moyenne au Texas) personne ici ne prend le train. Oh My God, c’est vraiment exigu! Ouf, on n’est pas bien gros heureusement…(Et si on ne meurt pas étouffés, je suppose qu’on aura aucune appréhension à essayer une prochaine fois l’hébergement en “Capsule Hôtel”). Bon, que ça ne nous coupe pas l’appétit…Allons diner! De plus, le concept du wagon restaurant est formidable, il faut compléter les tables face à des inconnus: Excellente opportunité de discuter avec des gens charmants. (Au breakfast on a même été placés avec un monsieur célèbre: À part nous tout le monde savait qui il était et les serveurs venaient le saluer. Heureusement, on n’y connaît rien en football Américain, il a donc du être très content – ou très surpris – qu’on le laisse tranquille et qu’on lui parle d’autre chose). Vers 20h30, après avoir dégusté le fameux “Steak Amtrak” et une tartelette au citron fort acceptable, le tout agrémenté d’un bon papotage, retour vers notre magnifique “chambrette” où le préposé a déjà déplié les couchages superposés. Super. Dès qu’on aura réussi à extraire la trousse de toilette de notre mini sac tout coincé dans le seul recoin possible (entre le montant du lit et la paroi du couloir), on pourra aller prendre une douche. Et en revenant, à peine essuyés avec des mouchoirs en papier, on se rendra compte que des serviettes de toilettes étaient bien cachées dans un minuscule placard de la cabine. Coquin de contrôleur, il aurait pu nous le dire! En tout, notre parcours à duré 15 heures. On a pu s’en mettre plein la vue dans le wagon panoramique, croiser des Amishs, et peut être même Lincoln réincarné (bon, si ce n’était pas lui c’est son sosie). Tout ça pour vous prouver que, dans ces vastes contrées, un trajet en train constitue une vraie expérience en soi, une manière formidable de voyager différemment. 30 millions de passagers par an choisissent Amtrak, ni pour la rapidité ni pour le confort, mais pour vivre un moment hors du temps, des rencontres improbables, ou simplement la vue magique d’un lever de soleil au milieu de nulle part. Et pour en garder un souvenir spécial, inoubliable. Vous laisserez vous tenter?