Depuis notre arrivée, on a testé quelques restaurants. Ça vous tente? accompagnez-nous, on vous invite! On ouvre la porte, on entre, accueillis par une toute mignonne petite jeune fille qui nous demande, de sa voix la plus suave…non, avec un accent texan à couper au couteau: “Greemmmebeeeuurrr ortaiiiiibbleeuuuuuu?” Oups…Mon époux me regarde, l’œil rond et interloqué,visiblement il n’a pas compris, moi non plus… ” Could you repeat please? grrreumeeeuubeeuuur ortaaablleeeuu? Ah une table oui ! C’était quoi l’autre choix? Beuuuurrrr Ah, baaaaar! Bar? Non, non, on veut une table merci!” Nous y voilà, bien assis…dans la pénombre. Parce que les restos chics ou romantiques se doivent visiblement d’être sombres. Ici, pas besoin de réserver pour un resto spécial “dans le noir”, l’obscurité, c’est toujours inclus dans le concept. On regarde désespérément vers les tables adjacentes pour voir où on pourrait piquer une bougie…Toutes les tables sont occupées, zut. Et les clients n’ont pas l’air désespérés de ne rien voir dans leur assiette. Sont-ils aveugles?…Et sourds ? En tous cas pas muets, car la discrétion n’est pas de mise et l’accent texan à hauts degrés de décibels, malgré le cadre romantique, ça dépote! Voilà John. John, c’est notre serveur. Oui, ici, le serveur(euse) se présente toujours personnellement par son prénom:” Je suis John, Ben, Alex or Shirley…et c’est moi qui suis à votre service pour cette soirée; si vous avez la moindre question ou besoin de quoi que ce soit n’hésitez pas”: Sympa, non? Tiens, justement, on voudrait bien un peu de lumière…Et voilà John qui revient ventre à terre avec une pauvre bougie à moitié éteinte… Et de grands verres pleins de glaçons et d’un peu d’eau. Les grands verres bien glacés, à peine êtes vous assis, c’est toujours ce qu’on vous apporte sans que vous demandiez. Â mon avis, c’est pour être sur que vous commandiez ensuite du vin -toujours fort cher sur la carte- car une fois que vous aurez avalé une gorgée de ce concentré d’eau de Javel, vous n’hésiterez plus sur la bouteille à 100 dollars. Ensuite, John apporte du pain et du beurre, c’est gentil ça…et plus tard les menus. Bon, on ne voit toujours rien et entre temps la bougie s’est éteinte. Dans ce resto bien chic, on se tortille dans tous les sens pour essayer de déchiffrer ce fichu menu, sans oser nous résoudre à utiliser la fonction “flashlight ” de nos smartphones. En fait, on aurait du, car (après avoir du bien rigoler dans notre dos), John finit par nous apporter des lampes torches. Ah, ça va mieux! Mais ce n’était pas utile, car parmi les prérogatives du serveur US, il y a la description du menu: Pas de souci même si vous êtes totalement analphabète, il va de toutes façons passer 10 minutes à vous décrire les “fabulous” ingrédients qui composent les plats… Ça vous permet de comprendre qu’au Texas, une salade César c’est une simple feuille de laitue vinaigrette (ah c’est pour ça que ce n’était pas cher). Bon, John est doué, il a réussi à vous fourguer 2 plats supplémentaires le coquin! Et pour les vins? Bah, comme on a choisi viande et poisson, on aimerait bien un rouge léger, style vin de Loire. Mais non, ce n’est pas bizarre de commander un vin de Loire aux USA parce que on trouve tout ici et que le “wine tasting” c’est visiblement l’activité sociale favorite des américains. Hélas, John, bizarrement, n’a pas de vin de Loire mais il a bien compris ce que l’on veut et il nous apporte…un blanc: Non, on a demandé un rouge léger. Et là, mon cher mari, qui veut être certain que John ait bien compris, ou d’humeur taquine, lui explique son choix en allemand en portugais et en français, ce qui achève de dérouter le pauvre bougre, que l’on ne reverra plus pendant 20 bonnes minutes. Est il allé pleurer dans la cave? Non, le revoilà, tout fier, avec une bouteille de Merlot californien dans la main. On ne va pas le traumatiser plus, ce pauvre John…Son vin se révélera à peu près aussi corsé qu’un bon Madiran, mais au moins il a repris le service…. Voilà, le repas peut se dérouler agréablement, et classiquement selon nos critères. C’est à la fin que les surprises reprennent. Quand vous regardez avec effarement vos voisins de table, très snobs dans ce resto huppé, demander des “doggybags”…et les obtenir sans un froncement de sourcil. C’est sympa et pragmatique, on a payé, donc on emporte ce qu’on n’a pas consommé sur place, vivement que ce soit habituel en France! Et quand arrive l’addition (in America, business Is business, elle arrive sans qu’on la demande), on comprend pourquoi John, Ben, Alex, Shirley et les autres se décarcassent: Le pourboire “tip” est obligatoire si le client est content, et les barèmes sont clairement indiqués sur la note, selon le degré de satisfaction: de 15% si on est rat à 20% si on est très content ou nul en calcul mental, c’est tout simple!